La voie lactée (fragment),
2004-2007
Cire, suie, encres, mine noire sur papier ; 6 éléments de
6,3 x 3,4 m
Collection de l’artiste
Si la nuit préoccupe tant Jean-Paul Marcheschi, c’est
peut-être parce qu’elle l’aide à rechercher la
lumière. Les « voûtes célestes
illimitées » qu’il conçoit, plutôt
qu’obscurcir, éclairent les lieux qu’elles habitent. Aux
Abattoirs, La voie lactée se reflète dans un sombre et
mystérieux plan d’eau.
A la station Carmes, elle se présente comme un immense vitrail
rétro-éclairé. « Ce nom, dit Jean-Paul
Marcheschi, évoque d’abord pour moi l’ordre religieux, une
vision sombre qui se transforme en lumière. Ce thème
nocturne m’a rappelé La nuit obscure, le poème de Jean de
la Croix. J’ai toujours été hanté par la nuit,
à commencer par les Contes des mille et une nuits et tout
l’imaginaire qui en découle. Cela m’a fait travailler, par
exemple, durant tout un cycle sur les Onze mille nuits ».
Jean-Paul Marcheschi est à la fois auteur, peintre, sculpteur et
scénographe. Depuis 1984, il a délaissé le pinceau
pour la flamme. Une flamme jaillie de la nuit qu’il brandit à
bout de bras pour dessiner avec le feu. La brûlure du feu, la
suie et la cire mêlée inscrivent ainsi sur des feuillets
qu’il a posés à même le sol une trace sans
repentir. La flamme, moins docile que le pinceau, ne permet pas de
retour en arrière. Dans la technique du dripping de feu, le
geste crée irrémédiablement la forme. Les
feuillets, toujours de même format (21 x 29,7 cm), posés
côte à côte et unis par le feu,
peuvent ainsi devenir de grandes fresques.
« Mais la page qui subit l’épreuve du feu n’est pas
vierge, écrit Sophie Serra. Quotidiennement, au sortir de la
nuit, quand il n’y a pas de différenciation entre rêve et
réalité, Jean-Paul Marcheschi couche sur le papier des
fragments de pensées, des lambeaux de rêves, sans ordre
intentionnel. Le feu brûle et détruit l’écriture,
la renvoie au néant par sa morsure. Le rêve né de
la nuit retourne ainsi à la nuit. Le feuillet devient un
palimpseste où l’image efface partiellement les mots. Ils
resurgissent pourtant ça et là comme des fragments de
mémoire arrachés à l’inconscient. L’oeuvre
naît d’une destruction inachevée, interrompue, du
rêve. »
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